Qu’est-ce que la Cardiomyopathie hypertrophique Féline ?
Par Dr D. Brizard, Certificate in Small Animal Cardiology, Certificat en Electrophysiologie et Rythmologie
La cardiomyopathie hypertrophique est une maladie génétique du muscle cardiaque qui affecte les humains, les chats, les cochons et les chiens (de manière minoritaire).
Cette maladie n’est pas congénitale, elle se développe au contraire lentement ( quelques années) voire très lentement (plusieurs années). Cela se traduit par un épaississement du muscle cardiaque, en particulier le côté gauche du cœur, perturbant le remplissage du cœur et sa relaxation ( le cœur alterne des phases de contraction et de relaxation, toutes deux très importantes à un bon fonctionnement cardiaque).
Ce long développement rend le dépistage difficile car un chat testé à 2 ou 3 ans peut s’avérer complètement normal ; mais être requalifié ensuite d’ » anormal » quelques années plus tard.
La cardiomyopathie hypertrophique peut rester silencieuse pendant plusieurs années, puis provoquer soudainement de graves symptômes de décompensation cardiaque avec des difficultés respiratoires d’apparition soudaine , des syncopes, une perte de poids et /ou d’appétit.
Existe-t-il un traitement ?
Malheureusement, pour le moment il n’existe ni traitement préventif ni traitement curatif.
Cependant , le dépistage de cette maladie reste important :
- Individuellement : un chat qui a été correctement dépisté aura une qualité de vie meilleures car certaines manifestations de la maladie peuvent être contrôlées sous traitement ( arythmies, syncopes). Les manifestations graves de la maladie peuvent être également évitées si le chat est monitoré régulièrement (œdème pulmonaire, thromboses ).
- Individuellement encore, la prévention des risques anesthésiques est possible si un dépistage a été réalisé avant une opération.
- Collectivement : la sélection correcte des reproducteurs peut permettre de diminuer l’incidence de la maladie dans les élevages, même si cela représente un travail de longue haleine sur plusieurs années.
Recommandations pour le dépistage de la cardiomyopathie hypertrophique familiale.
Pour les éleveurs
Pour les Maine Coon, il existe un test génétique, cependant il n’est pas suffisant pour le dépistage individuel (voir plus bas), il doit être complété par un examen échocardiographique.
La 1 ère échocardiographie doit être faite à l’âge de 1 an, avant que le chat soit utilisé pour la reproduction.
Les tests suivants sont effectués annuellement et jusqu’à 3 ans. Puis un test successif sera recommandé à l’âge de 5 ans. Si le chat est un reproducteur important pour l’élevage, un dernier test à 8 ans est recommandé, également dans le cas ou’ un parent proche est diagnostiqué positif.
Pour les particuliers
Si les parents sont connus, demandez à l’éleveur les documents attestant de leur suivi échographique et de la « normalité « des résultats. Dans ce cas, une échocardiographie ne s’impose pas pour votre propre chat.
Si au contraire aucun document attestant de la « normalité « des parents n’est disponible, un dépistage est recommandé autour des 3 à 4 ans, en particulier pour les races à risque ( Maine Coon, Ragdoll, Birman, Norvégien, Sphynx, Européens).
Comment interpréter le résultat de l’examen échocardiographique :
«Cœur Normal» : chats avec un cœur normal d’après l’échocardiographie et n’ayant aucun proche parent diagnostiqué HCM.
«Diagnostiqué HCM» : les chats diagnostiqués HCM ne peuvent être utilisés pour la reproduction.
«Test ambigu» : Ambigu signifie que quelque chose dans l’échocardiographie n’a pas semblé « normal », mais pour autant il n’est pas certain que le chat développera une cardiomyopathie hypertrophique. Certains paramètres extérieurs au cœur peuvent avoir une influence sur la fonction cardiaque comme une hypertension artérielle, une insuffisance rénale, une hyperthyroidie, une inflammation transitoire. Dans certains cas, cela peut aussi être le résultat de variations individuelles, par exemple des muscles papillaires un peu plus larges que le « standard ».
Dans un cas de résultat
« Ambigu », la marche à
suivre est la suivante :
- Ambigu, chat < 2 ans : le chat ne doit pas encore reproduire et doit être re-tester dans 6 mois à 1 an
- Ambigu, chat entre 2 et 3 ans : une portée peut être planifiée si cela est absolument nécessaire pour l’élevage. Tous les proches parents de ce chat doivent avoir un cœur normal. Les chatons de la portée ne seront pas utilisés pour la reproduction avant que le chat parent soit re-testé entre 3 et 4 ans.
- Ambigu, > 3 ans : le chat peut entrer dans un programme de reproduction mais doit être reproduit uniquement avec un chat ayant un cœur normal , et tous les proches parents doivent avoir un cœur normal.
Parents proches des chats affectés par la HCM :
Si le chat est diagnostiqué HCM , les recommandations suivantes s’appliquent à ses parents proches :
- Si le coeur du parent proche est normal et qu’il a moins de 2 ans: il faut attendre un test successif lorsque le chat aura > 2 ans avant de l’utiliser comme reproducteur.
- Si le coeur du parent proche est normal lorsqu’il a entre 2 et 3 ans: une seule portée peut être réalisée avec lui, l’autre parent doit être diagnostiqué avec un cœur normal et n’avoir aucun proche diagnostiqué avec HCM. Les chatons de cette portée ne doivent pas se reproduire jusqu’à ce que le parent à risque soit âgé de plus de 3 ans et n’ait montré aucun signe échographique de HCM.
- Si le coeur du parent proche est normal et qu’il a plus de 3 ans : le chat peut être utilisé pour la reproduction s’il ne montre aucun signe échographique de HCM. Il est préférable cependant de l’accoupler avec un Maine Coon n’ayant aucun risque de développer une HCM (résultat du test non ambigu).
- Si un chat est diagnostiqué avec un résultat “ ambigu”, ou si il a un parent proche qui a développé des signes d’HCM, il faut être extrêmement prudent dans l’utilisation de ses parents proches comme reproducteurs.
Quid du test ADN
Une mutation sur un gène a été identifié en 2006 sur une colonie de chats de race Maine Coon : le HCM1 , plus précisément le Myosin Binding Protein C 3 (MyBPC 3) gene. Environ la moitié des chats Maine Coon affectés par la maladie sont cependant NON porteur de ce gêne, signifiant qu’il y a d’autres gênes en jeu dans le développement de la cardiomyopathie hypertrophique. Un test ADN négatif n’est donc pas suffisant pour exclure une cardiomyopathie hypertrophique.
Qu’est ce qu’un « souffle « ?
Un souffle est un bruit entendu à l’aide d’un stéthoscope au moment de l’auscultation cardiaque, qui se surajoute aux battements cardiaques. Ce bruit ressemble à un « courant d’air « , pour cela il est appelé « souffle « .
Un souffle n’est pas une maladie, mais cela peut être la manifestation d’une maladie. Le souffle provient du tourbillonnement du flux sanguin dans le cœur lorsqu’il s’insinue dans un orifice de petite taille ou lorsque le flux sanguin est projeté à une vitesse importante dans les grands vaisseaux cardiaques ( tronc pulmonaire , aorte).
Il existe différentes catégories de souffles :
– Souffle innocent ou fonctionnel : audible fréquemment chez les jeunes animaux maigres , ils sont souvent de basse intensité , ont une tonalité « musicale « , et tendent à disparaitre avec la croissance.
Ils peuvent également apparaitre lorsque le débit cardiaque est important : animaux agités , femelles gestantes ou allaitantes ; OU lors de pathologies extra-cardiaques qui modifient le débit sanguin : hyperthyroidie, et hypertension artérielle sont les conditions les plus courantes qui peuvent entrainer l’apparition d’un souffle sans qu’une maladie cardiaque en soit responsable.
– Souffle pathologique ou organique : c’est un souffle secondaire à l’existence d’une pathologie cardiaque . Les turbulences responsables du souffle se forment soit au niveau d’une valve qui ne s’ouvre pas correctement ou qui ne se ferme pas correctement : ou au niveau d’une communication entre 2 chambres cardiaques , c’est-à-dire une ouverture qui ne devrait pas exister mais qui permet au sang de passer d’une chambre cardiaque à une autre, les plus courantes étant les communications au niveau du septum , la cloison qui sépare le cœur en une partie droite et une partie gauche.
Timing : les souffles sont ensuite classés en « systoliques « , c’est-à-dire qu’ils interviennent au moment de la contraction cardiaque (ils peuvent être innocents ou pathologiques ) et en « diastoliques « , c’est-à-dire qu’ ils interviennent au moment de la relaxation cardiaque (toujours pathologiques). Ils sont beaucoup plus rares.